LE MUR BLANC

Alexandra Fontaine

www.art-fontaine.eu

Je suis peintre, sculpteur, graveur, je réalise aussi des installations. Mon travail artistique se compose donc pour chacune de ces techniques de thématiques qui ont l’air très différentes, très éloignées l’une de l’autre mais qui ne sont pas si différentes que cela puisqu’elles mettent à l’honneur la présence de la nature et qu’elles relèvent d’un support commun qui est le papier.  N’ayant pas supporté enfant l’enseignement scolaire, je n’ai cherché adulte l’enseignement d’aucune école d’art, si ce n’est que quelques cours pas très concluants de dessin et modelage, et même de taille directe aux ateliers BA de la ville de Paris et dans les Yvelines ; mais j’ai tout de même une formation artistique qui s’est faite naturellement, puisque j’ai grandi dans la création d’un père peintre et mathématicien, profondément mélomane, qui m’a transmis de façon tout à fait inconsciente son goût pour l’art.

Ce qui marque l’inspiration de ma création c’est avant tout le voyage, l’étranger, l’errance de la marche, et l’attachement à un certain paysage de mon enfance. Ce qui en fait le préambule, c’est la collection. Je collectionne en effet les ossements, les pierres, les racines, les coquillages… des fragments de nature que j’archive chez moi selon les lois de la collection et du cabinet de curiosités.

 

En 1998, après deux années passées au Japon auprès d’un maître de sculpture, je commence un bestiaire composé essentiellement d’oiseaux et d’insectes. Un bestiaire en papier charpenté de fil de fer et laissant apparaître ici et là des traces de lettres, de mots calligraphiés au pinceau, dernier souvenir de ce passage au pays du Soleil levant dont j’ai encore aujourd’hui la nostalgie. Si ce bestiaire est important pour moi c’est parce qu’il est symbolique d’une gestuelle ancestrale que je ne veux surtout pas oublier : l’unique trait de pinceau. Chaque animal en effet est fait de lignes, de ces lignes mouvantes qui disparaissent derrière les superpositions de papier et qui résultent de ce geste que j’ai appris avec Hiroschi Kumagai, mon professeur de sculpture au Japon et Toshiko Martin pour la calligraphie, en France.

 

Pour enrichir ce travail de sculpture, je commence la gravure dans les années 2000, je mets en place un travail sur le paysage à partir de coulures d’acide et d’encre au sucre. L’aquatinte m’emmène inévitablement vers la revue d’art. Et c’est avec la revue « Passage d’encre » qui publie mes premières gravures, que je commence à m’intéresser de plus près aux textes poétiques et à leurs illustrations imagées. Livres d’artistes, livres gravés, livres peints viennent alors au monde avec toujours ce même système qui régit la loi du livre :  d’un côté le poème et de l’autre l’image qui l’accompagne. Mais il y a aussi les carnets de voyage, très importants pour moi, surtout à partir de l’année 2002, l’année de la mort de ma mère, où je me mets à les utiliser de façon presque intensive. Dans cette période charnière où je ne pouvais plus supporter la solitude obligée du travail artistique, j’ai eu l’opportunité de partir loin, très loin. J’avais besoin de me faire mal et j’ai vécu le voyage dans des conditions extrêmes : traversées du Liban en guerre, du Vénézuela de Chavez où s’était réfugié mon frère, marches frénétiques sur les volcans du Cap vert et sur ceux d’Islande. Mon atelier à moi est devenu mon carnet, un atelier mobile prêt à recueillir à tous moments l’ensemble de mon travail réflexif. Chacun de mes voyages était motivé par l’idée du carnet, Chaque carnet terminé laissait place à un nouveau voyage et à un nouveau carnet. C’est de cette façon que j’ai conçu le livre d’artiste et la collaboration avec les poètes : comme un voyage. Un voyage rempli de l’univers de l’Autre, de ses pensées, de son être dont je pouvais m’inspirer à souhait. J’ai cessé alors de voyager, et laissé le monde venir à moi, sans jugement et avec beaucoup de considération.

 

Petit à petit, mes travaux s’agrandissent et sortent du format du livre.  Je continue à me servir du support poétique, mais au lieu de suivre les règles du livre avec d’un côté le texte, de l’autre l’image, textes et images s’entremêlent et se dissolvent, noyés par la flaque d’encre. Les coulures d’acide et l’encre au sucre utilisées pour la gravure sont remplacées par des encres noires japonaises et des lavis composés d’essence de fleurs. Je reste comme ça quelques années à travailler avec l’encre et les pinceaux de calligraphie avant de rentrer vraiment dans la peinture en 2012. En premier lieu avec les séries de paysages blancs, puis avec les séries en couleurs inspirés par les poèmes d’Alain Marc.

 

Parallèlement à ces collaborations poétiques, et toujours dans la lignée de ce travail sur le paysage, naissent les projets d’installation en sculpture. D’abord avec les cabanes installées en lisière d’une forêt de Seine et Marne pour le festival de Land art, « des artistes en campagnes » en 2012. Puis avec les masques qui viennent en 201, répondre à l’appel à insurrection artistique lancé par la compagnie théâtrale « Brut de Béton production » contre la contamination nucléaire de la planète.

Par la suite, Je suis restée en peinture dans cette idée de l’après- catastrophe nucléaire, sur la constante d’une nature qui est là malgré tout, et qui renaît toujours, malgré les méfaits de l’humanité. Ainsi, tous mes livres d’artistes et collaborations artistiques portent cette constante : un paysage calciné qui revient à la vie, un paysage initiatique qui ne se laisse découvrir qu’à travers les yeux du mystagogue : le peintre.

« Toujours la vie ! », d’après un poème d’Alain Marc, 150 x 200 cm Peinture n 2 : « Après la tempête », 180 x 120 cm
« Toujours la vie ! », d’après un poème d’Alain Marc, 150 x 200 cm
Peinture n 2 : « Après la tempête », 180 x 120 cm »
« Après la tempête », 180 x 120 cm »
« Au-delà du paysage « , 180 x 120 cm »
« images d’atelier, Malakoff, juillet 2024
Crédits photos : Marinette Delanné / Véronique Durruty »